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Yayoi Kusama, la femme à pois


 

[Article rédigé par Lisa C.]

 

Tu te sens un peu paresseux ? Ça tombe bien, j'ai tout prévu pour la larve que tu es : tu peux retrouver cet article en format résumé-carrousel sur Instagram ! ou même sous forme de courte vidéo sur Tiktok (@pimpmyculture).


 

Déjà, avant toute chose, je vais te montrer une petite compilation (non-exhaustive) des oeuvres de Kusama... et j'aimerais bien avoir ton avis !



Alors, là comme ça, avant d’en savoir plus sur ses œuvres...


Qu’est-ce que tu penses des oeuvres de Kusama ?

  • J’ADORE

  • J’aime bien

  • Pas fan

  • J’ai envie de me crever les yeux


 

“Ma vie est un pois perdu parmi des milliers d’autres pois.”


“Les pois (j’ai vu les premiers à l’âge de 10 ans et je continue à en voir encore)

Les pois sont ma marque de fabrique

La vision obsessionnelle

Des milliards de pois

L’auto-effacement

Un sol en macaronis (la peur de la nourriture)

L’air en trop (la peur de l’air)

Installations

L’amour pour toujours

L’obsession sexuelle

L’obsession de la nourriture (la peur d’avoir à boire des milliers de tasses de café

jusqu’à ma mort)

La contrainte des meubles

La vision répétitive

Les réseaux infinis de lignes

Les points infinis

Les étoiles infinies

Les réseaux limités des lignes

La prolifération et la fragmentation

La cérémonie du suicide

Les ustensiles de cuisine (une poêle à frire pour cuire des macaronis)

Notre planète terre est un pois.”


- Manifeste de l’oblitération. Yayoi Kusama, 1960.

 


Elle, c’est Yayoi Kusama.


Peut-être as-tu déjà vu passer cette petite grand-mère japonaise ultra-badass au carré rouge fluo. Si tu es familier avec ses œuvres, peut-être as-tu aussi, à première vue du moins, enfilé ton air le plus snob et pensé que “euh, c’est vraiment ça l’art à notre époque ? dessiner des pois sur des murs et dire que c’est concept ?”


Eh oui.


Et pour répondre à ce que cette petite voix t’a très probablement aussi dit, oui, techniquement, tu es sans doute toi aussi capable de peindre des ronds colorés sans dépasser… mais l’art c’est bien, bien, bien plus qu’une question de technique.


 

Un petit sommaire pour que tu t'y retrouves plus facilement

 

Comme tout bon artiste qui se respecte (non) Yayoi Kusama a bien évidemment une enfance de merde


Yayoi Kusama est née au Japon en 1929 (puisque je sens que tu te poses la question, oui, elle est encore en vie). Sa passion pour l’art et le dessin se déclarent très tôt. Dès l’âge de 10 ans, elle emmène son carnet d’esquisses partout avec elle et s’amuse à reproduire son environnement. Jusque-là, ma foi, on dirait que tout va à peu près bien.


Mais en réalité, malgré l’aisance financière de sa famille, elle grandit dans une atmosphère extrêmement conflictuelle, gangrenée par les infidélités de son père et l’irascibilité de sa mère. Très jeune, elle lui sert d’espion pour surprendre les adultères de son mari, ce qui aura de lourdes séquelles sur son rapport avec le sexe (tu m’étonnes lol).


Bon, et tristement, c’est loin d’être tout.


Petite, sa mère l’enferme dans le grenier pour la punir, et elle l’y oublie. Plusieurs fois. Il faut dire que la maternité, ça n’avait pas l’être d’être trop le truc son truc…….. Dans une lettre à Yayoi, elle lui écrit : “Lorsque tu étais dans mon ventre, tu pourrissais et mon ventre était tordu à tel point qu’il m’était difficile de ne pas croire qu’un jour le châtiment de Dieu viendrait inévitablement.” “Quelle bévue ta naissance !”. Bon, je crois que ça suffit pour te donner une idée du ✨bonheur familial✨dans lequel Kusama a grandi.


Plus tard, suite à l’attaque de Pearl Harbor en 1941, les enfants de son âge sont mobilisés pour l’effort de guerre et forcés à confectionner du matériel militaire, comme les uniformes des soldats et les toiles de parachute. Sympa hein.


Cependant, les sinistres événements de la guerre du Pacifique et le mépris de sa mère envers ses créations ne parviennent pas à réprimer son amour pour l’art. Elle poursuit ainsi ses études à Hiyoshigaoka, une école d’art où elle apprend les rudiments de la peinture japonaise traditionnelle et moderne. C’est un choix qui est particulièrement courageux pour la société patriarcale de l’époque, qui condamne les femmes aux mariages arrangés et désapprouve toute pratique artistique féminine. Seulement, elle est vite écoeurée par la hiérarchie rigide établie entre maître et disciple et par les règles strictes qui régissent la peinture de l’époque.


Elle tourne alors le dos à la peinture traditionnelle et s’intéresse à la peinture occidentale.

 

Ciao le Japon, hello New-York : le début de la gloire


À 23 ans, elle commence à exposer et connaît ses premiers succès à Tokyo et dans d’autres grandes villes japonaises. Elle décide alors de quitter son pays natal et s’envole aux Etats-Unis, au cœur des courants artistiques avant-gardistes.


En 1958 elle s'installe donc à New York et parvient à exposer ses Infinity Nets Paintings à la Brata Gallery, à l’Est de Manhattan :


Ses peintures, initialement monochromatiques, finissent par se teindre de couleurs vives. Ses Infinity Nets n’ont

“ni haut, ni bas, ni droite, ni gauche, ni commencement, ni fin, ni sens, ni centre illusoire, mais ils sont écrits, à la manière d’une calligraphie inconsciente et obsessionnelle.”

Avoue c’est joli quand même.


Grâce à son aisance naturelle à créer du lien et à communiquer, Kusama infiltre aisément le milieu artistique new-yorkais, et gagne rapidement la confiance de plusieurs artistes reconnus. Parmi eux, Georgia O’Keeffe, avec qui elle entretenait déjà une correspondance depuis 1955, mais aussi Andy Warhol, Yves Klein, Jasper Johns, Joseph Cornell ou encore Claes Oldenburg. Oui, rien que ça.


Georgia O'Keeffe

 

Petit tour des œuvres et… Purée, qu’est-ce que ça veut dire ?


Comme t’as pu le voir dans la petite compilation d'œuvres de Kusama (plus haut), l’idée de répétition des motifs déjà apparente dans ses Infinity Nets Paintings se traduit à nouveau, plus tard, dans ses autres toiles et installations.


Et ça, c’est précisément la signature de Kusama. Elle qualifie cela "d'oblitération", qui signifie effacer par l’usure, ici, (s’)effacer par la répétition (si tu dois retenir 1 truc sur Kusama c’est bien ce concept là).


Euh, mais encore ?


“Tout a commencé par les hallucinations”. Dès l’enfance, Kusama est victime de visions.

“Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j'ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s'étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l'univers en étaient pleins”.

Eh oui, la maltraitance infantile dont Yayoi a été victime a laissé pas mal de traces, à la fois sur sa santé mentale, mais aussi physique. Elle est souvent très malade, et l’art lui sert de “traitement médical”, d'exutoire à sa souffrance.

“J’attrapai une grave maladie, j’en oubliai les mots, les nombres, mon adresse. (...) J’errais dans une gestuelle habituelle à l’intérieur d’un monde isolé de l’extérieur.”

D’abord donc issus de ses hallucinations, la répétition presque infinie des motifs et l’omniprésence des pois envahissent toiles et sculptures. De cette manière, ses œuvres ont pour elle un effet cathartique, qui lui permet d’extérioriser ses angoisses et traumatismes d’enfance. Elle qualifie son art de “psychosomatique”...


Les pois deviennent donc obsession. À travers eux, elle trouve une nouvelle voie d’existence. “Je suis un pois”. La répétition, ce “je” s’étend à l’univers. Objet animé ou inanimé, tout peut être pois. “Le pois n’a pas d’existence individuelle. Je baptise tout le monde grâce à la multiplication des pois.” La “self-oblitération” (s’effacer soi-même) répond aux envies suicidaires de l’artiste. Au lieu de succomber à ses pulsions de mort, elle choisit de s’effacer en peinture, en sculpture. En transposant son identité dans le pois, et en dissimulant le pois parmi une multitude d’autres pois, elle efface son existence, la désindividualise, fait d’elle une simple continuité entre l’être, l’autre et l’univers. À terme, Yayoi élève l’oblitération au rang de doctrine :

“Devenez un avec l’éternité. Effacez votre personnalité.”

Grâce à l’art, Kusama trouve sa voie : “Dans le moment où je fus mise au monde, on a tout de suite collé une étiquette d’inefficacité à mon existence et on a dit que j’étais une outsider ; ma seule voie, la délinquance de l’art.”

 

Un fauteuil exclusivement composé de phallus mous en tissu est-il un fauteuil confortable ? à méditer


Au-delà de ses peintures, ses photographies et ses collages, Kusama se lance dans la sculpture, et débute ce qu’elle appelle ses “accumulations”. Ci-dessous, Accumulation No. 1, que l’artiste estime être sa première “soft sculpture”.



Oui oui, il s’agit bien d’un fauteuil recouvert de pénis en tissu. Enfin, plutôt de tubes phalliques qui ressemblent étrangement à des pénis. L’artiste joue sur la juxtaposition entre le commun (le fauteuil) et le tabou (le sexe), le chaotique et l’ordonné, l’unicité (puisque tous les tubes sont uniques) et la multiplicité (il est difficile de les concevoir individuellement parmi la masse).


Dans le cas de Accumulation No. 1, Kusama cherche à exorciser sa peur du sexe (particulièrement masculin), nourrie par les souvenirs de son père en pleine adultère. Personnellement, j’y vois aussi un moyen de dénoncer la société patriarcale dans laquelle elle a évolué. Alors ça ne sort pas de nulle part hein : le sexisme et la misogynie sont des sujets récurrents dans son œuvre et elle en a été victime tout au long de sa vie, aussi bien pendant son enfance, à travers la pression parentale du mariage, qu’arrivée aux Etats-Unis, où les devants de la scène artistique n’étaient pratiquement réservés qu’aux hommes. Avec l’omniprésence des phallus dans l'œuvre, elle représente la domination, le monopole masculin et l’incroyable difficulté d’insertion des femmes à tous les niveaux de la société.


Cette idée d’individualité qui s’altère dans la masse est aussi exprimée dans Accumulation No. 1. Chaque tube est recouvert de peinture et laisse entrevoir plusieurs couches. Il s'agit peut-être une façon de représenter l'individualité de l'être, les différents niveaux de dévoilement du moi et sa personnalité qui, malgré la masse et les similarités qu'il entretient avec elle, reste unique. En jouant sur les ombres, l’artiste représente ce que nous gardons secret. La différence de perception des tubes selon l’angle d’observation fait écho à notre caractère adaptatif et aux images parfois très contrastées que nous renvoyons aux personnes extérieures. Les points de vue font également varier les ombres, dont le mouvement fait écho à l'inconstance, à la fluctuation de ce que nous dévoilons et cachons à l'autre selon la nature de notre relation. La texture non-rigide de la sculpture et les possibilités infinies d’angles d’observation lui donnent un effet dynamique, presque animé, qui renforce l’impression que chaque tube en tissu représente un être vivant à part entière. Cependant, au premier regard, toutes ces individualités sont presque indiscernables: il n’existe qu’un tout, qu’une sculpture, parmi laquelle elles se fondent, et disparaissent.


En sachant tout ça, Accumulation no.1....

  • J'aime

  • J'aime pas

  • Bof

 

Trouble à l’ordre public


Les œuvres avant-gardistes de Kusama s’inscrivent principalement dans les courants artistiques du psychédélisme et du pop art. Bien que je me sois particulièrement arrêtée sur Accumulation No. 1, l'œuvre de Kusama compte de nombreuses réalisations et couvre des disciplines artistiques variées.


En plus de ses peintures, sculptures, photographies et collages, Kusama s’initie aux happenings et performances. Elle nomme les plus provocateurs d'entre eux “naked performances” ou “body festivals”, où elle mêle corps nus, danseurs, hippies souvent recouverts de pois peints. Afin de médiatiser ses luttes et ses idées, elle organise également des “anatomic explosions” ou des “naked demonstrations”. Les performances de Kusama font office de revendications sociales, pacifistes, libertaires, parfois féministes. Par la nudité, elle dénonce la société de surconsommation et défend la liberté sexuelle.


En 1966 par exemple, elle s’installe le temps d’une journée aux pieds de son appartement new-yorkais, sur un matelas recouvert de formes phalliques couvertes de pois. Cette “expérience de son corps comme étant à la fois simultanément dans, et continuellement partie de son environnement, est une idée centrale de sa notion de self-obliteration”. Kusama se greffe à son œuvre, à cet environnement artistique, et s'en rend en même temps indissociable. L'art et son artiste se mêlent jusqu'à ce que les barrières entre l'être et sa création s'effacent.



Cet happening fait parfaitement écho à Accumulation No. 1, son concept d'oblitération et ses revendications féministes. Elle se met en scène parmi l'infinité de ces tubes phalliques singuliers, s'approchant ainsi au plus près de ses angoisses, sans pour autant réussir à les vaincre. En se positionnant par-dessus ces petites sculptures en tissu, elle adopte une position dominante qui traduit ce désir de confrontation. Cependant, sa position allongée, statique, insinue que ses peurs la hantent et la paralysent toujours. En s'immisçant dans cette œuvre recouverte de phallus, peut-être cherche t-elle aussi à illustrer son combat pour s'imposer sur la scène artistique alors très masculine, ou encore à signifier que malgré la singularité que lui confère son statut de femme, elle aussi s'efface parmi ses homologues masculins… à l'image de ses pois.


Toujours en 1966, Kusama s’invite à la Biennale de Venise et déverse 1500 boules miroitantes dans les canaux. Serrées les unes contre les autres, elles forment un champ de réflexion infini dans lequel l’image des spectateurs, de l’artiste et de leur environnement est répétée et déformée. En admirant l’œuvre, l’observateur est confronté à son reflet, à sa vanité et à son ego. Elle nomme cette œuvre Narcissus garden, en référence au mythe de Narcisse, mort pour être tombé éperdument amoureux de son propre reflet. Devant ce champ miroitant, une pancarte indiquait :

“Votre narcissisme est à vendre”.

Chaque boule était en vente pour 2 dollars l’unité. Cette performance s’inscrit à la fois comme une manifestation de la vanité de l’artiste, de son rapport à elle-même et comme dénonciation de la marchandisation abusive de l’art. L'utilisation de surfaces réflectives et de miroirs est très typique de Kusama. Grâce à eux, elle brouille un peu plus les repères et les barrières entre le réel et l'infini.



Autres œuvres pour lesquelles Kusama est célèbre - probablement les plus “populaires” d’entre elles : les Infinity Mirror Rooms. Elles ont depuis peu envahi les feeds Instagram. Eh oui, ces grandes salles aux jeux de lumières et de reflets impressionnants qui donnent l'occasion à celui qui les post d'écrire une légende "mystérieuse et spirituelle" font en réalité partie de ses réalisations (ou en sont inspirées).



Par ces installations, Kusama repousse les limites matérielles de ses premières œuvres. Elle réussit à créer une parfaite illusion d'infini, brouillant totalement les limites de l'environnement et les repères du visiteur. Ces expériences perceptuelles incluent le spectateur et ses multiples reflets à l'œuvre, tout en l'égarant dans cet espace infini. Cet univers hypnotique crée chez lui une sensation de submersion qui permet de comprendre toute l'intensité et la richesse du concept d'oblitération de Kusama.


 

Les œuvres de Yayoi connaissent leur apogée en 1968. Lassée, elle rentre au Japon en 1973 et décide de s’installer en hôpital psychiatrique à partir de 1977. Depuis sa chambre elle ne cesse de créer de nouvelles œuvres, défiant toujours davantage l’infini par ses miroirs et ses pois qui floutent les frontières entre l’homme et l’univers.


La petite citation de la fin pour partir sur une note joyeuse :

“[…] L’image sur laquelle je travaille actuellement est celle de la mort […]. Dans notre société d’information devenue une société de violence, dans une culture homogénéisée, dans une nature polluée, dans cette imagerie d’enfer, le mystère de la vie a déjà rendu son souffle. La mort qui va nous accueillir s’est dépouillée de sa quiétude solennelle et nous avons perdu de vue la mort sereine. […] Jusqu’ici, ma propre révolution, faite pour continuer à vivre, se dirigeait vers la découverte de la mort. Je suis arrivée à un moment de mon parcours artistique où il faut que je crée un art pour le repos de mon âme, un art qui tiendra compte de ce que signifie la mort, de la beauté de ses couleurs et de ses espaces, de la tranquillité de ses pas, du ‹ Néant › qui vient après elle.”
 

Et comme promis, voici la fiche récap !



 

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Sources

  • Treglia, N. (2015). L’escabeau de Yayoi Kusama. La Cause du Désir, 89, 152-155. https://doi-org.faraway.parisnanterre.fr/10.3917/lcdd.089.0152

  • Radley, J. (2019, 7 novembre). Yayoi Kusama’s Radical Work Goes Far beyond Her Infinity Rooms. Artsy. https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-yayoi-kusamas-radical-work-infinity-rooms

  • Yayoi Kusama’s Infinity Nets : Sublime or Spectacle? (2009). Comment Magazine.

  • Yayoi Kusama. (2011). Centre Pompidou. https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cbqM8pr

  • Yayoi Kusama. Dots obsessions : dans la tête de Yayoi Kusama. (2008). L’Évolution Psychiatrique, 73(4), 700‑702. https://doi.org/10.1016/j.evopsy.2008.09.006

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